
Court-métrage
QUELQUES SOUVENIRS DE MON ACCOUCHEMENT
– Récit de Jeanne –
DANS CE FILM,
TOUT N’EST PAS FORCÉMENT VRAI,
MAIS BEAUCOUP TROP DE CHOSES SONT RÉELLES
CHERS SPECTATEURS,
Deux nouvelles œuvres naissent, tirées de l’univers du film FIN DE GROSSESSE :
(1) « QUELQUES SOUVENIRS DE MON ACCOUCHEMENT » (avec Jeanne Greff-Savouret), un court-métrage qui dévoile le récit complet de l’accouchement vécu par le regard de la mère ;
(2) et l’autre court-métrage vécu par le regard de la grand-mère : « LETTRE D’UNE GRAND-MÈRE ATTENDANT TA NAISSANCE » (avec Sylvie Savouret).
Préparez-vous à être troublés par ces deux témoignages !
QUELQUES SOUVENIRS DE MON ACCOUCHEMENT (2025)
Mise en scène :
Morgan-Alexander Remy
Scénario :
Jeanne Greff-Savouret
Morgan-Alexander Remy
Comédiens :
Jeanne Greff-Savouret
Musique originale :
Nicky Galliano
Production :
Morgan-Alexander Remy
Date de sortie :
le dimanche 15 juin 2025
QUELQUES SOUVENIRS DE MON ACCOUCHEMENT
Texte écrit par Jeanne Greff-Savouret et Morgan-Alexander Remy
Tu sais, cet accouchement, il le raconte à tout le monde comme un spectacle, ne s’en lasse jamais, j’ai dû l’entendre des centaines de fois. Il ne t’a rien dit ? C’est toute une affaire.
Non, non, navrée, moi, je ne sais pas raconter les histoires, je l’ai vécu comme un grand moment, mais je n’arrive pas à le retranscrire aux autres comme lui. J’aime l’entendre le raconter, ça me fait rire. Il a beaucoup plus d’enthousiasme que moi. Si je devais le raconter, qu’est-ce que ça serait ennuyant, déjà que les gens en ont marre d’entendre les récits d’accouchements des autres, alors si en plus la personne concernée n’a pas envie de raconter, ou ne sait pas le faire, quel ennui, non ?
Je crois aussi que je le raconterais mal parce que je ne m’en souviens pas, ou trop peu ; j’ai le souvenir de certaines douleurs, de sensations agréables, des moments, mais sans fil continu, c’est décousu. Dans ma tête, la fatigue, la douleur et les hormones ont tout mélangé. Alors que lui finalement, il a tout vu, sans aucune douleur pouvant effacer ses souvenirs. Et puis, il faut le dire, il est très excité quand il raconte cette histoire, pas seulement parce que c’était un grand moment, mais surtout parce qu’il aime ça, raconter les histoires. Il aurait tout autant de fougue à raconter le visage défiguré d’un chat, l’accouplement entre deux pigeons, le bourdonnement d’une mouche, c’est vrai ça, ce que je te dis ; je crois qu’il a déjà dû le faire quelque part.
Ce dont je me souviens en revanche, c’est la souffrance de l’attente avant l’accouchement, ces trois semaines interminables, où chaque soir, nous nous couchions en nous disant : « Ce sera peut-être pour cette nuit. », — où je sentais quelque chose qui se faisait en moi, me remuant les entrailles, un travail étrange au fond de moi, là, dans mon gros ventre, qui semblait ne jamais s’arrêter de grossir. À ce travail je ne pouvais pas résister, comme à la fatalité, qui, sournoise, malicieuse, irrésistible, jouait dedans maintenant, entre mes reins.
Et lui, il ne pouvait plus travailler, patient, à l’affût, prêt à m’aider, me masser, tournait en rond, trépignait, croyait garder son ennui pour lui. Pour le distraire un peu, nous nous sommes néanmoins tant amusés : par exemple, notre enfant, nous l’avons imaginé si longtemps dans mon ventre, tout ce qu’il pouvait bien sentir là-dedans, tout ce qu’il pouvait bien penser, tout ce dont il pouvait bien rêver, — peut-être aussi ce qu’il pouvait dire ! Ne dit-on pas quelque part qu’un enfant sait parler dans le ventre de sa mère, avant que le choc de naître lui fasse tout oublier ? Bref, qu’est-ce qu’on a ri !
Mais rien n’y faisait : l’ennui ne le quittait pas, c’est ainsi, la création lui manquait.
Jusqu’à ce jour où ma mère et moi, nous le jetions dehors, avec sa caméra, qu’il aille filmer des paysages, des insectes, des nuages, des arbres ! Les filmer loin d’ici ! Il revenait plus tard, plus ennuyé qu’avant : le dehors ne lui suffisait pas. Puis, je l’admets : mon erreur, — en était-ce une seulement ? — je lui dis, durant une promenade, de nous filmer.
Sidéré, sans doute, — je le connais —, de ne pas avoir osé songer à cette idée, rien d’étonnant, donc, de le voir aussitôt prendre sa caméra pour nous filmer quelques minutes. En deux heures, il passait déjà son temps à nous filmer, dégainant vite sa caméra de son étui, la braquant sur nous ; son « entraînement » était vite devenu un tournage : parfois nous attendions qu’il arrête de nous filmer, et tellement qu’il nous faisait regretter notre bienveillance, — nous demandant de jouer des saynètes, même quand les contractions arrivaient.
Et puis l’accouchement, c’est un moment intime, tu vois ; pourquoi devrais-je le raconter aux autres ? Il insiste pour que je le fasse, il m’a demandé de le raconter, cet accouchement, parce qu’on ne le verrait peut-être pas dans le film, heureusement d’ailleurs, mais crois-moi, je n’ai pas envie de le raconter.
Parce qu’il aime l’art, il a réussi à raconter cet accouchement comme une oeuvre. On le sent bien quand il en parle, — il en est ivre, d’en parler, — de l’ivresse, plein d’ivresse, à la fois celle de le vivre, et le revivre, mais aussi celle de le décrire.
Il leur parle de cette attente interminable, où je trouvais toutes les positions possibles pour faire avancer le travail, couchée, debout, à quatre pattes, torturée de douleur, rien n’évoluait. Les heures s’écoulaient, il me voyait allongée, presque morte, murmurant des paroles inaudibles.
Lui avait toujours cette crainte que je finisse au bloc pour une césarienne, il en a vraiment beaucoup parlé, beaucoup trop ! « J’ai peur de la césarienne. » m’avouait-il, en chuchotant presque, sans me regarder, honteux, solennel. Il avait peur qu’« on m’ouvre », et il faisait, pour me le représenter, le signe d’un maladroit zigzag sur son ventre — il avait peur que je puisse mourir, — mais tu sais de quoi d’autre ? que cette opération puisse me laisser une cicatrice, « une grosse balafre » comme il dit, énorme, qui pourrait déformer mon ventre (rires). Oui parce que les cicatrices, tu vois, ça le dégoûte, il ne peut pas se raisonner avec ça, il dit que les cicatrices, en plus d’être laides, ça enlaidit.
Moi, je n’avais pas peur de l’opération, tant que j’ai le contrôle, tant que je peux choisir, accepter la situation ; j’ai l’impression, dès lors, que tout se passera au mieux.
Et puis au-delà de la césarienne, ce qui l’inquiétait encore était de devoir rester à l’hôpital, comme pour aller voir un mourant tu vois, et ça, bon, il a donné avec son père.
Bref, l’accouchement est devenu imminent, ou plutôt il fallait qu’il le soit parce que le coeur de l’enfant ralentissait de façon inquiétante. Il voyait le rythme cardiaque s’abaisser à l’écran, et notre sage-femme qui s’activait plus qu’à l’acoutumée, les gestes plus rapides. À ce moment-là, rare souvenir qui me reste, je me souviens de sentir la fin du travail, je peux, en fermant les yeux, voir en moi l’enfant qui descendait le long de son couloir, dans quelle position, dans quel mouvement, dans quel rythme, je sentais tout, et j’adaptais mes positions pour l’aider à travailler ! Il sortait, là, sortait !
Mais lui de son côté pouvait le voir, notre enfant, sa tête gluante, sa grimace plutôt ; il raconte qu’il était non seulement à l’envers, chose rare et dangereuse, mais qu’il avait en plus le cordon autour du cou. Notre enfant lui donnait une sacrée scène, excité qu’il est aujourd’hui de décliner toutes les nuances de son épouvante, en feignant, pour moi, de garder la tête froide et solide.
Et voilà qu’il nous livre l’épisode du gynécologue qui arrive, les mains dans les poches, blasé d’avoir été réveillé peut-être, je n’ose même pas t’en parler. Un gros bonhomme, avec de grosses mains velues qui, sans le demander, va les enfoncer, « comme les gros doigts d’obèses dans un petit pot de confiture à la fraise », — je cite Morgan, — puis tente d’introduire sa ventouse qui ne fonctionne pas, tire, tire, notre enfant lui résiste et tient absolument à sortir le regard « tourné vers les étoiles ». Soudain je crie, — un cri féroce, strident, déchirant l’air jusqu’au plafond, pétrifiant, — je criais comme une bête à l’agonie ; l’enfant se faufile à travers mon corps, rampe, s’extirpe ; mon cri retentit plus fort, plus fort, plus fort ; l’enfant sort dans sa poche qui se perce alors, au milieu du sang, toute l’eau jaillissant comme d’une fontaine nacrée, lumières déversées qui éclaboussent des sols malades et rudes. Puis, on l’aurait élevé dans les airs, par les mains gantées de notre sage-femme, mains blanches tenant bébé bleu.
L’enfant ne pleure pas, enfin, à ce que dit son père. Son corps serait inerte, il a même dit « affreux », je crois ; là, je ne me souviens plus vraiment de sa comparaison animalière : ça aurait ressemblé à un mélange entre le poulpe et le singe, quelque chose comme ça ? « poilu, chétif, élastique, étroit, violacé, visqueux », tous ces adjectifs que j’entends de sa bouche. Tenant son enfant dans ses bras, il aurait vu furtivement l’inquiétude silencieuse dans le regard de notre sage-femme, qui patientait avec espoir, lui laissait du temps. Puis ce corps inerte de « monstre » se serait mis à trembler, et soudain, à pleurer. Quel soulagement, dit-il, de voir alors notre enfant pleurer ! Notre enfant ? Oui parce que moi, de mon côté, je n’ai aperçu que ce petit corps sortir, j’ai à peine entrevu le sexe, puis, encore à quatre pattes, exténuée, j’ai posé ma tête entre mes bras, et tout s’est éteint, le temps de quelques minutes, je respire à pleins poumons, j’étais si bien, calme, sourde, pendant qu’eux attendaient que l’enfant pleure, que l’enfant crie, que l’enfant vive ! (rires)
Non, attends, il continue de raconter, car l’accouchement n’est pas terminé, « ce n’est pas fini ! » lançait-il, emporté, l’oeil vif. D’arrache-pied, on attendait le placenta, qui finalement suivait de près l’enfant.
J’étais sur le lit avec notre enfant, qui était dans le même état d’esprit que moi, serein, s’endormant déjà au sein, tétant. Pendant que Morgan était avec notre sage-femme qui lui exposait avec autant de fascination que lui mon placenta ! Ce petit refuge sanglant où résidait, il y a peu, l’enfant qui venait d’en sortir. Un spectacle d’une réelle beauté pour nous.
Que c’est beau, l’accouchement ! il leur dit, c’est puissant, c’est plus fort que n’importe quelle histoire : on entend crier, on entend murmurer, ça court dans tous les sens, on s’inquiète, on espère, l’espoir est déçu, puis, au moment de désespérer, voilà que la petite chose, patiente, sort de là-dessous, puis le malheur vient encore, toujours imprévisible et secret, et, en même temps parfois, viendront d’autres joies : parce qu’une fois qu’on a donné la vie, il nous reste tout le reste.
Je ne sais plus comment il dit… Comment il parle de l’accouchement déjà ? Si, il en parle, selon moi, comme d’un miracle ! Déversement brillant de sang, lourd effondrement de fluides, fontaine ocrée, jaillissante, lumineuse, marbré de rouge, de veine, de frissons, et l’enfant, expulsé à quatre pattes, était révélé dans les airs.
Tu sais, aime-t-il répéter, et me l’a même écrit, j’ai retrouvé son mot — c’est une extase proche de l’orgasme à son apogée, c’est mieux que de l’art, c’est la création d’un être, c’est le souffle qui l’inspire, — c’est l’idée de la vie faite chair, poussée d’entre des cuisses folles, oui, rien que ça, chose incroyable et si banale, en somme ! Combien dans le monde il s’en fait à la minute, de ces miracles ? »
Puis, le lendemain, des miracles, il en verra d’autres, ailleurs, où son regard se pose, son esprit généreux fait de tout, si facilement, des miracles profonds. Son angoisse est créative, et d’elle, ses créations le sauvent.
Eh, oui, attends, ce n’est pas fini, l’enfant est sorti, mais il va raconter aussi ce qui suit, sans jamais manquer de fougue, toujours, son éternelle fougue — ça doit être épuisant à force, je le sens parfois chez lui — : tout ce qui suit, donc, son imagination le réinventera par les mots : que ce soient les douleurs et les saignements pendant plusieurs semaines, — qu’on appelle les tranchées d’ailleurs, tu te rends compte ! — et les soins. Oui, parce que nous sommes sortis très tôt, quelques heures à peine après l’accouchement, pour fuir l’hôpital et rejoindre au plus vite mon premier enfant et ma mère, ma mamounette qui nous a tant aidés. Alors, nos merveilleuses sages-femmes venaient chaque jour à domicile, pour vérifier l’état du périnée, la nécessité de faire des analyses, de lui prélever le sang dans le talon, etc. — et surtout, surtout vérifier la peau de l’enfant, est-ce qu’il devient jaune ? « Tu crois qu’elle est jaune ? me répétait-il. Une légère teinte, hein ? Je le vois. Ou c’est sa peau naturelle ? il a peut-être la peau ambrée ? ».
Il ressentait un certain vertige face à cette nouvelle existence, source d’inquiétude et d’émerveillement, toujours un prétexte pour explorer une nouvelle facette de la vie humaine.
Enfin, voilà.
Tu me comprends ? J’ai répondu à ta question ?
© Morgan-Alexander Remy
_________
DANS L’UNIVERS DE « FIN DE GROSSESSE » (2025)
FIN DE GROSSESSE (2025)
Avec Jeanne Greff-Savouret et Sylvie Savouret
Mise en scène : Morgan-Alexander Remy
Scénario : Morgan-Alexander Remy
Musique originale : Nicky Galliano
Date de sortie : le dimanche 15 juin 2025
***
Informations sur le film
SUJET DU FILM :
Entre inquiétude, ennui et joie, une famille attend la naissance d’un enfant.
RÉSUMÉ DU FILM :
Une famille attend. Quoi ? La naissance d’un enfant, aux derniers jours d’une grossesse. Mais il ne vient pas aussi vite que prévu, et peut venir au monde à tout moment. Qu’est-ce qu’elle fait alors, sa famille, forcée de l’attendre, inquiète qu’il vienne ? Viendra-t-il demain, ce soir, dans quelques heures, tout de suite ? Et puis quoi ?
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